LE THEATRE DE BREITOU
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 Non bis in idem

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MessageSujet: Non bis in idem   Non bis in idem EmptyDim 1 Nov - 0:58

"Non bis in idem" : Définition du Petit Larousse: "Non deux fois pour la même chose. Axiome de Jurisprudence, en vertu duquel on ne peut être jugé deux fois pour la même chose".

Ignorant cet axiome, l'Histoire nous jugera-t-elle une seconde fois et nous déclarera-t-elle coupable pour notre Nonchalance et notre Hubris, comme elle l'a fait la première fois après l'assassinat d'Itshak Rabin ?

Sommes nous certains que nous avons tout fait pour nous libérer de cette "faiblesse de caractère", caractéristique des Sociétés Démocratiques, qui a engendré les grandes catastrophes de L'Histoire ?


Reuven (Roger) Cohen.

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I - On était en Novembre





On était en Novembre.
C’est alors que le tremblement de terre eut lieu.

L’université et les lycées se vidèrent de leurs élèves, les bus silencieux, chargés de voyageurs en deuil, ne diffusaient plus que des nouvelles. Les cafés furent désertés. Chacun recherchait ses chers, ses amis, ses pairs, les larmes aux yeux. On parlait à voix basse, le regard effacé. On vit qui déambulaient dans les rues sans but, perdus, frappés par le malheur.

L’ombre du désastre planait sur la ville.
Un certain désarroi s’installait et s’épaississait. Les voitures se déplaçaient lentement, en silence. Les vitrines des boutiques paraissaient mornes et les étals des fleuristes insipides. Elles n’attiraient plus personne.
Une certaine torpeur s’était emparée de la cité.

Ce furent les jeunes lycéens et les membres des mouvements de jeunesse qui réagirent les premiers. Les premiers à sortir de cette léthargie et à imaginer un travail de deuil.
Sans concertation aucune, spontanément, par centaines, ils marchèrent vers la Place. De toutes les rues adjacentes, des fleuves de jeunes en deuil, une bougie et des fleurs à la main, s’y déversaient. Ils entonnaient en silence les seules prières qu’ils connaissaient, des chansons douces du hit-parade israélien, des chansons d’un autre age, celles qui bercèrent leur prime enfance au jardin d’enfants et à l’école primaire, ces cantilènes qui racontent les temps héroïques et fraternels du “Bel Israël”.

Sanglotant, assis en cercle à même le sol, comme il est de coutume pendant la semaine de deuil, la ‘Chiva’, ils se pressaient les uns contre les autres, se consolant mutuellement, s’enlaçant avec affection autour des milliers de petites flammes qui frémissaient sous la brise légère. Un second cercle, plus âgé, s’était formé autour d’eux, debout, les épaules voûtés, en silence, le visage défait, marqué par une nuit de veille. La question clef, celle qui ouvre toute conversation entre Israéliens, « Que va-t-il se passer, maintenant ?» ("Ma yhié"), fusait dès lors dans toute sa rigueur, de partout.
« Qui nous conduira hors de cette passe, se demandait-on, qui saura gérer ce malheur ? » $



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Les hautes sphères demeuraient silencieuses et n’émettaient que de courtes déclarations de deuil. Les stations de radio, inondées d’habitude d’un verbiage interminable, qu’alimentaient avec ferveur les hommes au pouvoir, ne diffusaient plus que des mélodies de deuil, des berceuses, comme lors de la Journée consacrée à la commémoration de la Shoa ou à celle consacrée au souvenir des combattants de T.S.A.H.AL tombés sur le champs de bataille.

Les paroles d’Eytan Haber, chef du cabinet du Premier Ministre Itshak Rabin, résonnaient encore et revenaient inlassablement.
La veille à 23h.14, devant une foule atterrée qui se pressait aux portes de l’Hôpital Hikhilov, où Rabin avait été transporté moins d’une heure auparavant, il avait lu, d'une feuille arrachée à son bloc-notes, un communiqué qui ne se résumait qu'à une phrase, une seule :

« Le gouvernement israélien annonce, frappé de stupeur et affligé d’une profonde douleur, la mort du Premier Ministre Itshak Rabin, assassiné ce soir à Tel-Aviv." Puis il ajouta: " Que sa mémoire soit bénie. »
Plus que la foudre, plus que le tonnerre, ce fut un ‘Tremblement de Terre’.

Après quelques secondes de stupeur, la foule saisissant le sens de la phrase que venait de prononcer Eytan Haber, lança un cri qui déchira le ciel : « Non !!!!! »

Certains restèrent là, figés, hoquetant de sanglots. D’autres quittèrent les lieux d’un pas accéléré, à la recherche de leurs proches, de ceux avec qui ils avaient participé, dans l’euphorie, à la grande manifestation pour la Paix qui s’était déroulée sur la Place, au début de cette soirée mortelle. On ne pouvait, en ces moments macabres, demeurer avec soi-même. Il fallait parler, se serrer les uns contre les autres, se sentir soutenu et soutenir les autres. Un grand deuil avait frappé ces êtres qui avaient eu foi en la Paix.

On était désorienté.
Pour ceux qui y avaient cru, plus rien désormais ne fut comme auparavant.
Ils avaient quitté à jamais l’heureuse époque de l’adolescence, de la jeunesse, de la foi éthérée ; le temps de la naïveté.
Le temps qui précédait l’assassinat s’était arrêté de s’écouler.
Un temps autre était apparu, rêche, âpre et douloureux, un temps “déssentimentalisé”.

Cela commença par l’Université.
Le lendemain de l’assassinat, à l’université de Tel-Aviv, à la cafétéria de Guilman, le bâtiment où siégeaient les Humanités, les étudiants, les yeux rougis de la nuit qu’ils avaient passée éveillés, s'agglutinaient par petits groupes, débattant de ce qu’ils devaient faire. Ils accusaient à haute voix ceux qu’ils considéraient comme les "coupables en profondeur". Ils se servaient d’arguments qu'ils avaient forgés lors des séminaires d'études, ceux qu'ils avaient débattus avec leurs professeurs. Ils revenaient à ceux qu’ils avaient retirés de leurs travaux, de leurs lectures.

Les lycéens, eux, les plus frappés par l’assassinat, chuchotaient entre eux contre ceux qui avaient conduit la main de l'assassin par leur silence.
Ils portaient leur deuil à fleur de peau, s’appuyaient, à voix basse, presque dans un murmure, sur des arguments conçus dans leur douleur, générés par des valeurs immédiates et profondes qui les avaient travaillés, qui les avaient modelés depuis leur prime enfance; ces valeurs premières, qu’ils avaient adaptées à leur tempérament, à leur entendement, à leur vécu.

Ils les avaient soulevées en classe avec leurs éducateurs, lors de ces jeux de rôles du ‘Pour ou Contre’. Ils les avaient débattues pendant les repas de famille du Shabbat avec leurs parents autour de la ‘Parashat Ha Shavoua’, ce verset hebdomadaire de la Bible qui engageait les convives aux commentaires moralisants. Ils en avaient discutés dans la cour de récréation avec leurs camarades, lors d’un conflit sur une décision de l’arbitre dans un match de foot.

Les parents étaient étonnés de la réaction de leurs enfants. Eux qui les considéraient comme mus par des motifs futiles, comme légers d’esprit et dénués de valeurs, ne pensant qu’à s’amuser et fuyant toute responsabilité, furent surpris de leur conduite, qui n’avait rien à envier à celle d’une personne adulte. Ils en furent fiers et se joignirent à eux dans leurs assemblées de deuil, sur La Place. Ils retrouvaient dans leur façon d'agir une gestuelle et des valeurs qu’ils croyaient à jamais perdues.

La Presse elle aussi fut frappée par l’élan de ces jeunes lycéens qui entraînèrent aux obsèques leurs jeunes frères et sœurs des classes supérieures du primaire, comme s’ils étaient leurs parents ou leurs instituteurs. Plus d’un article de fond fut consacré à ce phénomène inconnu jusqu’alors, et que ce Tremblement de Terre avait engendré.

« Plus rien dorénavant, n’en déplaise à l’auteur de l’Ecclésiaste ‘ne sera ce qui a été’, répétait Taly à ses élèves. Chacune des 340 mille lettres qui structurent la Thora s’éparpilleront comme feuilles aux vents, si Israël ne réagit pas comme un seul homme à cet assassinat ! »

Lire la suite " Néta ",
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MessageSujet: Non bis in idem : le tremblemnt de terre (suite)   Non bis in idem EmptyDim 1 Nov - 17:33

Se souvenir : 14 ans après le meurtre d'Ytzhak Rabin

Non bis in idem : écrit par Reuven (Roger) Cohen


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II - Néta




Néta ressentait cet assassinat comme l’évènement qui lui avait fait perdre son innocence et sa foi dans les Appareils d’Etat.
Elle exigeait d’elle-même et des ses camarades, entretenus depuis le berceau par leurs parents et leurs éducateurs dans la confiance des institutions et des mécanismes de l’Etat, qu’ils quittent leur cocon et s’emparent de leurs responsabilités, spoliées par le pouvoir, dans toutes ses expressions.
« Tout doit être soumis à la critique, disait-elle. Tout doit souffrir le contrôle des citoyens. Tout doit être transparent, l’Armée, les Services de Renseignement et de Sécurité, en tête ! Comme l’avait demandé Wilson, après la Grande Guerre, à la création de la S.D.N., nous devons, nous aussi, nous opposer à toute diplomatie secrète à la Metternich, cause des guerres et des maux de la société. La transparence est à la démocratie ce que le garde fou est à l’aveugle. Or on nous a éduqués à avancer, en aveugles, sur le bord d’un précipice - et sans garde fou ! »

Sa réaction au meurtre galvanisait ses camarades. Les sceptiques, cependant, la nommaient ‘La Passionnera des cafétérias’. Ils la louait pour ses engagements politiques, mais la blâmaient de ne pas partager avec eux la conception du ‘Complot’.
« Ce serait aller trop loin, disait-elle ! »
« Ce serait aller trop loin dans la transparence, lui répondaient les sceptiques, et tu crains la brutalité du réveil, la découverte de la triste réalité ! Aussi tu te voiles le visage ! Tant que nous n’irons pas jusqu’au bout, nous n’aurons rien fait. Or comme d’habitude, nous n’irons pas jusqu’au bout. Voilà pourquoi rien ne sert de perdre son temps en paroles et en sermons ! »

Parfois, dans ses moments de doute profond, elle semblait, non sans amertume, en convenir avec eux. Elle admettait que le manque de prudence et de réalisme dont avait fait preuve le Service responsable de la sécurité du Premier Ministre, étaient flagrants. Elle savait, que deux semaines avant le meurtre, le journaliste Arié Caspi avait raconté, dans le quotidien Ha Haretz, qu’il avait rencontré Rabin dans le lobby d’un hôtel ; tous ceux qui se trouvaient dans le lobby auraient pu tirer sur lui à moins de cinq mètres de distance, avait écrit Caspi ! Pourtant, depuis des semaines, l’alerte avait été donnée quant à la haine qui l’entourait et aux insultes de ‘Rabin le Traître’, qui pleuvaient sur lui lors de ses déplacements, ajoutait Caspi.

« Un enfant aurait compris le danger qui le menaçait, convenait Néta, et les hauts responsables sur sa sécurité ne l’ont pas compris ! »



« N’ont pas voulu le comprendre, la reprenaient les sceptiques, la rabrouant - ‘pour sa naïveté’, disaient-ils ! »
Car de suite après les Accords d’Oslo, soulignaient-ils, ‘Le Chab’ak’ avait estimé qu’il existait une éventualité fort plausible que des Juifs portent atteinte à la vie d’autres Juifs, à plus forte raison à celle de personnalités politiques responsables ou soutenant ces Accords. A la mi-août, le Chab’ak avait envisagé d’interdire aux membres des colonies de se rendre armés aux manifestations politiques.

Et dans une interview qui parut dans le quotidien Maariv, du 12 octobre, trois semaines avant l’assassinat, Chimon Romah déclarait : « Certaines conditions sont aujourd’hui réunies qui signalent que des extrémistes pourraient tenter, non seulement de conspuer à leur aise le Premier Ministre, mais bien au delà de cela. Je pense que le motif d’attenter à la vie de Rabin se fait réel (…) Une nouvelle situation s’est créée qui n’existait pas dans le passé ; il se trouve qu’il y a, aujourd’hui, des personnes qui peuvent avoir l’intention de le tuer ( …) Je ne me souviens pas d’un temps où l’on parlait de façon si claire, que le Premier ministre est un traître et un criminel, et qu’il mérite donc la mort (…) La rue est, aujourd’hui, mûre pour effectuer un attentat contre les dirigeants de l’Etat. Leurs slogans aujourd’hui dégoulinent de sang. »



« J’ai lu pendant toute la journée d’hier, dit Néta à Rafy.
Ils dégustaient, à leur réveil de cette longue nuit d'amour, un café fumant et souriaient de plaisir au rayon de soleil qui filtrait de la fenêtre et jouait sur la table. Comme cela, tout simplement.
Deux semaines s'étaient écoulées depuis l'assassinat.
La vie reprenait ses droits.
"J'ai lu une série de textes sur la kabbale qui pourraient m’aider dans mon travail. Pourrais-tu m’accorder quelques instants, ce matin à l’Université? Je voudrais que tu me donnes ton avis sur leur place dans ma recherche. »
Il lui dit qu’il n’avait pas cours le dimanche et qu’il aimerait bien en profiter pour sortir de la ville avec elle. « Nous nous en occuperons dans la nature. Si tu pouvais te libérer aujourd’hui, lui dit-t-il, ce serait formidable. »
Elle lui répondit toute illuminée de bonheur qu’elle en serait ravie, et qu’elle ferait un saut chez elle pour se préparer.

« Mais non, lui dit-il, je vais t’y accompagner et t’attendrai quelques instants, à moins que ton petit ami soit encore chez toi. »
Elle le fixa dans les yeux, comme pour le remercier de laisser fuser ce soupçon de jalousie, qui est à l’amour ce que le levain est au bon pain chaud. Elle se souvint, que le Zohar, Le Livre de la Splendeur, dont se nourrissent les Kabbalistes, se sert de cette idée de complémentarité entre l’amour et la jalousie, afin d’illustrer le caractère du lien qui relie Israël à son Dieu, et celui de Dieu à son Peuple. C’est sans doute pour cela que leurs rapports sont absolus à ce point, actifs, tendus et toujours tumultueux, sans pause aucune.
Elle voulut lui dire qu’elle rêvait d’un amour qui s’en rapproche, d'un amour absolu, mais les mots lui restèrent bloqués dans la gorge ; pour s’en libérer, elle se jeta dans ses bras. Il l’avait comprise et lui dit à l’oreille qu’elle l’émouvait par la spontanéité et la sincérité de ses caresses. Elle se dégagea de son étreinte et lui dit qu’elle craignait fort qu’elle était en train de tomber profondément amoureuse, et qu’elle sentait qu’elle perdait ses défenses.
« Peut-être vaudrait-il mieux que nous nous arrêtions là avant que je ne sois malheureuse, lui dit-elle. »

Encore ce sens pratique, pensa-t-il. Jamais je n’aurai pensé dans cette direction. Il la tranquillisa et lui raconta comment, au petit jour, « Comme les condamnés à mort sont conscients de l’inexorable qui les attend, je me suis aperçu qu’un sentiment de grande sérénité m’enveloppait et que ta présence me charmait. Je sentais que je venais à toi. »
Elle le fixa du regard, essayant de plonger en lui pour scruter sa sincérité, mais comprit que cette idée là n'était qu'une figure de style, un vœu pieux d'écrivain. 'Qu'ai-je à perdre, se dit-elle, 'let it be', advienne que pourra !"

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Ils roulent vers le nord.
La pluie a fait place à un ciel bleu. Le temps comme le caractère des gens d’ici, change du jour au lendemain, d’une heure à l’autre.
« Je voudrais visiter une ou deux colonisations de la Première Alya, sur la route de Waadi Milek. Je voudrais m’inspirer de l’atmosphère qui aurait pu régner, il y a cent ans, dans ces colonies. J’aimerais que tu m’aides, si cela ne t’ennuie pas à ‘ressentir’ l’histoire de cette colonisation. Elle applaudit de joie et lui dit qu’elle rêve d’être son assistante dans la recherche. Il remet à plus tard l’explication complète sur ce sujet, et la place que tient Taly, sa collègue, dans cette recherche. Il lui sourit, et lui caresse le visage ; elle le fixe, étonnée de son geste et, inquiète, avec un certain tremblement dans la voix, elle lui dit: « Si tu penses un jour me quitter, sois gentil, prépare moi longtemps à l’avance. »
Pour la première fois depuis de longues années, il sent son cœur se pincer dans sa poitrine. Ses yeux s’embuent de larmes. " Je dois faire un début de dépression nerveuse, se dit-il ; avoir la gorge qui se noue ainsi pour si peu, en est un signe avant-coureur !"
Il se demande si c’est l’amour que Néta lui porte qui l’émeut à ce point et fait tomber ses défenses, ou le sentiment de frustration que lui a causé Taly en ignorant ses avances. Mais une sensation étrange le traverse ce matin, et il se dit qu’il a le sentiment qu’il est en train de s’attacher à cette jeune étudiante. "Il n’y a aucune raison à cela, se dit-il ; elle ne représente pour moi, en fin de compte, qu’une simple ‘aventure sans lendemain'! Que sais-je, en fait, d’elle ? "

Et cependant, il ne la voie pas comme une élève ‘tout simplement plus facile que les autres’, une élève qui avait été "disponible" au bon moment ; ni comme une élève qu’il avait choisi, pour son sérieux, afin qu’elle l’aide dans sa recherche. Non, il la saisit plutôt comme une compagne avec qui il se sent bien. "C’est peut-être son assurance honnête et sans fard qui me plait, se dit-il, ou sans doute son contact sain avec les choses de la vie qui me charme et me pousse à l’avoir près de moi."
Plus il y pense, et plus Néta l’enchante.

Mais que sait-il d'elle ?
Il sait que Néta a près de vingt cinq ans.
Il sait qu'elle lutte pour la paix.
Il sait que ses camarades les plus proches, militent dans ce Mouvement pour la Paix qui soutient "Qu'au Moyen Orient, seule la paix est révolutionnaire", car elle entraînera un changement radical dans toutes les sociétés civiles de cette région vers plus de libertés et de bien être.

Il sait encore, comme elle le lui avait raconté, qu’elle avait été appelée à faire carrière à l’armée, et qu’elle avait refusé. Ses supérieurs avaient inscrit dans son dossier que "Sa douceur cache un caractère et une personnalité qui l’aidera à remplir son rôle d’officier à leur entière satisfaction, comme à celle de ses soldats".
Elle avait, auparavant formé des soldats dans les blindés, pendant plus d’un an, en tant que sergent. Son endurance physique et sa volonté de fer, malgré sa silhouette fragile, sa douceur et sa conduite souple avec ses soldats, qui non seulement respectaient ses ordres sans broncher, mais ne juraient que d’elle, lui valurent qu’on l’intégrât alors au Cours d’Officiers. On lui avait demandé de faire carrière dans l’Armée, mais elle avait refusé, ressentant cette soif des études qui s’était emparée d’elle, comme une fièvre.

Elle lui avait raconté encore qu’elle se savait sentimentalement ‘faible’, ne se connaissant ni soif de vengeance ni ressentiment, mais se savait aussi, solide dans l’action et dans l’application des décisions qu’elle prenait.
Elle lui avait raconté que ce ressort de volonté toujours tendu vers les buts qu’elle décidait d’atteindre, et cette ferveur de l’étude, la poussait vers le ‘savoir’ qui devait, à son sens, la rapprocher de l’essence des choses de l’esprit.
"En effet, se dit Rafy, ces éléments réunis ont fait d’elle une excellente élève. Elle est choyée par ses professeurs et aimée de ses camarades, qui voient en elle un de leurs leaders à l’Association des Etudiants de l’Université de Tel-Aviv."
Rafy s’était félicité de l’avoir eu dans ses cours, les premières années, et de la guider ensuite dans sa maîtrise. « Je voudrais que ce soit vous qui soyez mon directeur de thèse de doctorat, lui avait-elle dit dès ses premières semaines à l'université, alors qu’elle ne le connaissait qu’à peine". C’était comme si elle avait décidé de le lier à elle, par l’intérêt qu’elle portait à ses cours. Aiguisant la dialectique du maître et de l’élève qu’elle avait découverte chez Platon, «Qui est bien plus riche et profonde que ‘la dialectique du maître et de l’esclave’ de Hegel », soutenait-elle, elle recherchait son enseignement comme un adepte suit son maître.

Les élèves lui racontaient qu'il avait un groopy en elle, qu'elle parlait de lui avec enthousiasme et qu'elle soulignait, sans sourciller, l’originalité de son savoir et sa finesse d’esprit. Ils souriaient avec malice de son enthousiasme et leur regard entendu paraissait évoquer qu'elle en était un peu amoureuse.

Il comprenait ce qu'ils lui disaient, et savait quels arguments ils employaient pour la dissuader de tomber dans les rets de ce jeune enseignant ; les mêmes qu'il employa jadis lui-même lorsqu'il s'efforçait, alors étudiant, de persuader celles qu'il courtisait, jaloux du succès de ses jeunes profs auxquels elles étaient prêtes à offrir leurs grâces.
"Tu ne seras ni la première ni la dernière sur ses listes, leur disait-il, nous en avons vu plus d’une en pleurs, délaissée et brisée ! "

Elle lui avait raconté encore que ses parents et ses deux frères vivaient avec leur famille dans un Kibboutz du Nord de la Galilée. Elle était la dernière, née bien plus tard que ses frères et choyée par toute la famille. Cependant, mais peut-être pour cette raison, elle était partie. Au grand dam de ses frères, elle avait quitté cette vie de communauté protégée, ayant décidé de voler de ses propres ailes et de traverser seule les tempêtes de la vie. Armée de valeurs morales solides, elle possédait une boussole rigoureuse et dessinait, depuis, la carte sur laquelle elle désirait menait son périple.

Elle lui avait raconté que ses deux grands amours étaient l’étude, et la découverte de sites dans la campagne israélienne et dans ses déserts ignorés du grand public et de ces sociétés de tourisme qui 'trafiquaient' la vie des gens.

Il cherchait à en savoir plus, surtout dans le domaine de sa vie personnelle et intime, mais elle restait silencieuse sur ce terrain, se protégeant derrière un mutisme qui la rendait mystérieuse à ses yeux, de ce mystère qui donnait à son être une profonde densité et qui l'excitait.

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Hommage à Ytzhak Rabin



Elle ne lui racontait pas, non plus, qu'elle haïssait cette vulgarité qui émanait des touristes, munis de dollars, qui se prenaient pour les maîtres de ces petits villages où les habitants essayaient encore de protéger leur vie culturelle et sociale. Même le kibboutz où elle était née, était tombé dans le piège de rentabiliser son patrimoine. Comme n’importe quel village de Sicile ou d’Afrique, il se laissait envahir par des touristes grossiers, qui déversaient leurs poubelles sur les chemins qui menaient aux Jardins d’enfants et à la Maison de la Culture, piétinaient sans vergogne les parterres de fleurs entretenus avec amour par Dan, le vieux jardinier du Kibboutz. Elle aurait aimé que le Trésorier du kibboutz et ses collègues de la Direction, découvrent, comme elle l’avait fait pendant ses vacances, ces petits villages de la France profonde, perdus au cœur du Massif Central ou sur les contreforts des Pyrénées, qui exigent des touristes de respecter leur intégrité.

« L’argent, lui avait dit, dans un de ces petits villages, un patron de ce café épicerie qui faisait aussi station d’essence et distributeur de ballons de gaz butane, permet au client d’être bien accueilli et bien servi, mais non d’être le Roi ! Ce n’est pas pour rien, ajouta-t-il en riant, que nos ancêtres ont fait la Révolution et aboli la royauté ! »

Plus que les cours, c’était la recherche qui intéressait Néta.
C'est elle qui la mettait dans ce que l’on pourrait définir comme une transe intellectuelle. Son émotion grandissait à mesure que les heures passaient, elle entrait alors dans un état de demi conscience, s’oubliant et oubliant ses rendez-vous et ses cours. Elle était capable de passer plus de six heures d’affilé dans la bibliothèque, approfondissant tel aspect du problème, soulevant telle hypothèse, recherchant comme en mathématiques, la solution la plus plausible.

Les bibliothécaires la savaient là, et à la fermeture, la cherchaient entre les longues rangées d’étagères. Elle aimait les livres, surtout les livres anciens, qu’elle considérait comme des monuments de savoir et de sagesse et que les bibliothécaires n’osaient pas encore évacuer vers les caves. Elle s’en délectait avec gourmandise, et racontait qu’elle ne se connaissait le sentiment de jalousie qu’à l’égard de leurs auteurs.

« Je suis jalouse de leur intelligence, répétait-elle à ses camarades. Comment peut-on parvenir à un tel degré de perfection dans la pensée et dans l’intuition ? Comment peut-on écrire de telles merveilles ? »

Cependant, quoiqu’elle fît partie de ces étudiants 'sérieux', la nuit venue, elle se transformait en noctambule. La grande ville lui avait offert un éventail de divertissements qu’elle exploitait jusqu’à tard dans la nuit.

Avec une bande de quelques bons camarades, on la voyait partout où on pouvait s’amuser sans trop débourser. Les nouveaux pubs à la mode leur ouvraient les bras, les soirées de Jazz, où se produisaient de nouvelles formations, ne se déroulaient pas sans eux, les organisateurs de festivals de films les invitaient, et leurs places dans les salles de théâtre et de concert leur étaient réservées.

Il faut dire aussi qu’elle avait trouvé le filon. Elle était reporter à la rubrique ‘Culture et Loisirs’ d'un quotidien. Eux aussi écrivaient dans des feuilles de choux ou dans des hebdomadaires respectables. Elle avait et le ‘Pain et les Jeux’. Elle s'était spécialisée dans la rédaction d'articles succincts et aigus, et, comme eux, elle gagnait sa vie en se divertissant.

Elle avait ainsi l’occasion de rencontrer des artistes, des créateurs, des hommes politiques, qui se laissaient interviewer avec grâce sur la performance de cet Ensemble-ci, de cette Compagnie-là, de ce nouveau pub. Elle se frottait ainsi à un éventail d’avis sur des sujets qui dépassaient parfois le cadre de sa rubrique.

Après le meurtre du Premier Ministre, elle s’était faite un devoir de soulever avec ses interlocuteurs, à chaque occasion qui se présentait à elle, la gravité de cet acte criminel et ses conséquences culturelles.


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